MIG, une formation immersive pour les ingénieurs de demain : regards croisés entre élèves et encadrants

Le 30 janvier dernier, les 150 élèves ont soutenu haut la main devant un jury les nombreux défis par grande thématique :
La formation des ingénieurs de Mines Paris – PSL repose sur une conviction forte : pour répondre aux défis contemporains, il est essentiel d’acquérir des compétences à la croisée des disciplines, en intégrant les enjeux scientifiques, technologiques, économiques, écologiques, climatiques et sociétaux. Les MIG sont une traduction concrète de ce principe.
Nicolas Seigneur, enseignant-chercheur au Centre de Géosciences et encadrant des MIG, souligne : « Ce que j’aime dans les MIG, et ce qui est central dans ma conception d’un de ces projets, c’est à quel point les élèves sont confrontés à des enjeux multiples qui dépassent la technique. Je cherche à proposer un sujet très large, permettant à la plupart des élèves de trouver un intérêt personnel et mettre sa pièce à l’édifice. En outre, les sujets que je propose sont ancrés dans le milieu naturel, qui pose énormément de difficultés lorsqu’il s’agit de les mettre en équation tellement les inconnues et les incertitudes sont énormes. Ce facteur, bien que déstabilisant pour les élèves de première année, constitue -je pense- un enseignement majeur vers le monde réel. »
Cet apprentissage par l’expérimentation, au contact des réalités industrielles et environnementales, est un élément central des MIG. L’objectif n’est pas seulement d’acquérir des connaissances théoriques, mais de confronter les élèves à des problématiques complexes et interdépendantes. Le MIG R-SOURCES illustre parfaitement cette démarche, en les amenant à travailler sur un enjeu clé de la transition énergétique, l’approvisionnement en lithium.
Faouzi Hadj-Hassen, enseignant-chercheur au Centre de Géosciences et encadrant de ce MIG, précise : « La première semaine est consacrée à l’acquisition des connaissances préalables sur les principaux thèmes à traiter, via des conférences et des visites de sites. Les deux semaines suivantes permettent de travailler sur des mini-projets techniques et socio-économiques, un équilibre indispensable pour saisir les enjeux d’une exploitation de lithium en France. Le lithium, largement utilisé pour la fabrication de batteries pour l’industrie automobile, est devenu une matière première stratégique. Afin de garantir un approvisionnement sûr et durable, la Commission Européenne a fixé comme objectif une extraction des matières premières stratégiques dans l’Union Européenne permettant de produire au moins 10 % de la consommation annuelle. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de développement d’une mine de lithium dans l’Allier. »
Pour nourrir leur réflexion et ancrer leur travail dans la réalité industrielle et environnementale, les élèves ont eu l’opportunité de visiter plusieurs sites et d’échanger avec des experts du secteur. Ces rencontres leur ont permis d’enrichir leur analyse et de confronter leurs hypothèses aux défis concrets du terrain.
Visite de la carrière de kaolin d’Imerys à Echassières.
Les thématiques des MIG illustrent les grands enjeux du XXIe siècle : transition énergétique, mobilité durable, technologies numériques, gestion des ressources naturelles et industries du futur.
Arnaud et Paul, élèves du MIG EMIX, partagent leur réflexion sur le mix énergétique français en 2050 : « Notre stratégie a été de comparer les scénarios publiés par différentes agences françaises et européennes aux informations données par les entreprises que nous avons pu visiter (notamment EDF et RTE pour le mix électrique). En ce qui concerne ce mix, nous avons retenu un scénario relançant le nucléaire. Ce choix s’est fait par l’importance accordée, notamment par les différentes entreprises visitées, à la pilotabilité des moyens de production et par un souci de réalisme vis-à-vis du déploiement des énergies renouvelables d’ici 2050. »
Visite de GRT Gaz : interagir avec les acteurs industriels pour évaluer leur vision en termes de transition énergétique
Dans le MIG ALEF, consacré aux énergies renouvelables des infrastructures portuaires, Clément a découvert la complexité du terminal portuaire de Toulon, dont l’aménagement est contraint par la présence du port militaire. Ce contexte complique l’implantation des solutions énergétiques, d’autant que le port, en quête d’espace, privilégie des technologies compactes pour éviter tout conflit d’usage des sols : « On a donc pensé à utiliser des ombrières pour installer les panneaux solaires en hauteur, ou même à les faire flotter dans les zones calme de la rade. On est venu aussi à penser à installer des petites éoliennes qui prennent peu de place. En effet, la mer Méditerranée ne présente pas assez de potentiel pour développer des énergies (hydrolienne, énergie houlomotrices…) liées au mouvement de la mer. Finalement, on s’est intéressé à la thalassothermie qui permet de récupérer l’énergie calorifique de la mer (sorte de pompe à chaleur mer-air). »
Visite du bassin à houle d’ACRI-IN, un bureau d’études à Sophia Antipolis spécialisé en aménagement du littoral, ingénierie maritime et maîtrise d’œuvre maritime et portuaire
Dans le MIG VERRE 4.0, l’optimisation des compositions de verre pour réduire l’empreinte carbone a fait appel à des algorithmes d’intelligence artificielle.
Simon explique : « Lorsque l’on cherche des compositions de verre capables de diminuer les émissions de dioxyde de carbone, on cherche à abaisser la température de fusion du verre. Le souci est que ce faisant, les changements de composition vont modifier les propriétés du verre en question. La recherche de compromis doit donc se faire en utilisant des algorithmes d’intelligence artificielle qui optimisent chaque propriété du verre. »
Franck Pigeonneau, enseignant-chercheur au Centre de mise en forme des matériaux (CEMEF) et encadrant du MIG VERRE 4.0, précise : « Parmi les pistes envisagées cette année, nous avons travaillé sur une recherche de la réduction de l’empreinte carbone en adaptant les compositions de verre et en introduisant un mix électrique/combustion dans les fours industriels. La recherche de compositions innovantes utilisant des outils d’apprentissage profond et d’un algorithme génétique que les élèves ont développés a permis aux élèves de proposer un nouveau verre que nous avons élaboré en laboratoire. »
Groupe de travail du MIG Verre 4.0 à Sophia Antipolis
Dans le cadre du MIG SOLAIRE, l’objectif était de déterminer comment l’énergie solaire peut être mobilisée pour la trajectoire zéro-carbone de la mobilité au sein de la CASA. Philippe Blanc, enseignant-chercheur et directeur du centre Observation, Impacts, Energie (O.I.E), précise : « Les élèves ont choisi d’étudier plusieurs axes pour la transition de la mobilité : le développement des transports en commun, des pistes cyclables, de l’autopartage de voitures électriques ainsi que l’étude du potentiel des véhicules intermédiaires. L’ensemble de ces axes d’étude est porté par l’électrification basée sur la production bas-carbone et renouvelable de systèmes photovoltaïques locaux sur les parkings de la CASA. »
Les MIG ne se limitent pas à l’acquisition de connaissances techniques. Ils forment les élèves à la gestion de projet, à la prise de décision en équipe et à la confrontation avec les réalités du terrain.
Le MIG SOLAIRE illustre cette approche collaborative. Philippe Blanc explique : « Les élèves doivent entrer en discussion avec la ou les parties prenantes du projet pour définir leurs besoins et leurs priorités. […] Dès le premier jour de leur arrivée sur Sophia Antipolis, une introduction d’une demi-journée au Lean Management leur est proposée comme méthodologie de travail en groupe, en interaction régulière avec ‘le client’. Cette année, la partie prenante locale était Allison Cazal, en charge du plan climat énergie territoriale (PCET) de la Communauté d’Agglomération de Sophia Antipolis (CASA), qui était présente quasi quotidiennement. »
Visite de l’Institut National de l’Énergie Solaire (INES)
Aliocha, du MIG OCEAN, témoigne de son retour d’expérience : « Je pense que la première difficulté qu’on a tous rencontrée était de comprendre toute la modélisation physique qui se trouve derrière le ray-tracing. Il y avait un gros travail d’assimilation de connaissances en amont de la phase de projet. Une autre épreuve a été sans doute la coordination dans le travail de groupe : il a fallu beaucoup d’organisation et d’esprit d’équipe pour répartir adéquatement le travail et surtout communiquer suffisamment pour que tout le monde ait une idée globale du fonctionnement des parties des autres. »
Visite des acteurs de la robotique sous-marine à la Flotte Océanographique Française – Ifremer Méditerranée à Seyne-sur-Mer
Dans le MIG OPTIM AERO, qui explore l’optimisation des matériaux en aéronautique, Côme raconte : « Le projet que mon groupe a choisi consistait à optimiser la géométrie du disque de turbine, qui est l’une des pièces les plus critiques d’un moteur d’avion à réaction. Il faut s’assurer que le disque puisse supporter des contraintes mécaniques extrêmes, tout en optimisant sa masse, afin de réaliser des économies de carburant non négligeables. »
Quentin, engagé sur le même projet, ajoute : « Nos visites chez Safran ont permis de préciser les actuels enjeux de ce secteur en mouvement : le chemin vers la neutralité carbone des moteurs, dans lequel Safran investit beaucoup. »
Pierre Arnaud, enseignant-chercheur au Centre des matériaux (CMAT), encadrant du MIG OPTIM AERO, met en avant les outils employés : « Plusieurs outils ont été mobilisés pour aider les élèves à mieux appréhender les enjeux scientifiques et techniques. Parmi eux, la méthode des éléments finis a joué un rôle clé. Elle permet de résoudre des problèmes physiques complexes et couplés en discrétisant l’espace et en traitant les équations aux dérivées partielles de manière numérique. D’autres outils comme des méthodes d’optimisation ou le krigeage on été utilisés. Ce dernier est une méthode de construction de méta-modèles permettant d’obtenir des solutions approximatives, mais extrêmement rapides. Enfin, les langages de programmation, en particulier Python, ont été largement utilisés pour développer et implémenter ces méthodes, démontrant ainsi leur importance dans la résolution de problématiques scientifiques et industrielles.«
Visite de Safran Aircraft Engines (SAE) à Villaroche et l’étude des moteurs LEAP
Les MIG créent des passerelles vers la recherche et l’industrie en permettant aux élèves d’interagir avec des experts et de s’initier à des innovations de pointe.
Francesco Delloro, enseignant-chercheur au Centre des matériaux (CMAT), encadrant du MIG MODE & LUXE, met en avant l’impact du projet : « Les élèves ont travaillé main dans la main avec des entreprises partenaires sur des problématiques spécifiques au secteur. Tous les groupes étaient extrêmement investis dans leur projet et je pense que c’est en premier lieu leur rigueur scientifique qui a pu surprendre les entreprises partenaires. »
Concernant l’impact des solutions proposées, Philippe Blanc note : « Le projet des élèves du MIG SOLAIRE a été présenté spécifiquement à la direction de l’aménagement de la CASA et il a déjà identifié des solutions proposées et étudiées par les élèves qui seraient directement applicables par la CASA. »
Dans le MIG SANTÉ, l’application de l’intelligence artificielle au diagnostic médical a marqué les esprits. Petr Dokladal, enseignant-chercheur au Centre de Morphologie Mathématique (CMM), encadrant du projet, raconte : « À travers le projet que nous avons proposé, conjointement avec le Service de chirurgie digestive et oncologique de l’Hôpital Lyon Sud, les élèves ont eu l’occasion de se frotter à une problématique réelle, celle de développement d’aide au diagnostic médical du cancer du côlon, où aucune solution n’a encore été proposée. Il n’est pas possible de trouver une solution en l’espace de 15 jours de travail. Des résultats partiels, encourageants ont cependant été obtenus ».
Visite aux Hospices Civils CHU Lyon Sud pour définir un projet de recherche visant à améliorer le cancer du colon
Les MIG sont plus qu’un module pédagogique : ils sont une immersion dans le rôle que joueront les futurs ingénieurs dans un monde en mutation. Ils leur permettent de développer un socle de compétences essentielles et une posture de réflexion critique face aux défis industriels et sociétaux.
Côme, du MIG OPTIM AERO, le souligne : » Les nombreuses visites que nous avons faites ont été l’occasion de mieux saisir les problématiques qui découlent de la transition énergétique, et les entreprises aéronautiques nous ont présenté les solutions qui sont actuellement à l’étude pour l’avenir de l’industrie. L’expérience était enrichissante, car on bénéficie de la perspective des acteurs de premier plan dans le domaine. Il faut à la fois proposer des solutions techniques innovantes pour limiter les émissions de dioxyde de carbone, et se soumettre aux normes de sécurité très exigeantes du transport aérien. »
Les MIG incarnent une immersion concrète dans les enjeux contemporains, où chaque élève apprend à concevoir des solutions innovantes tout en intégrant la complexité du réel.
Comme le résume un élève : « Nous avons dû composer avec des contraintes réelles et travailler avec des experts du domaine. Ce n’est pas juste un projet d’école, c’est une immersion dans notre futur métier ! »
Dès leur première année, les élèves du Cycle Ingénieur civil de Mines Paris – PSL explorent les défis technologiques, économiques, et sociétaux de dem...