Récompensée lors de l’édition 2024 du Prix Entrepreneuriat Mines Paris – PSL – Transvalor organisée par la Fondation Mines Paris, Julie est diplômée de l’Institut Supérieur d’Ingénierie et de Gestion de l’Environnement, (ISIGE 2018-2019), une formation dédiée aux enjeux environnementaux. Avec son associé Mansour Niang, elle a développé un modèle qui s’attaque aux défis cruciaux de la gestion des ressources et de la sécurité alimentaire en Afrique. NeoFarm valorise les déchets organiques grâce aux larves de la Mouche Soldat Noire, qui produisent des protéines animales et des engrais organiques, essentiels pour l’agriculture durable au Sénégal.

Cérémonie de remise de Prix Entrepreneuriat Mines Paris – PSL – Transvalor le mardi 12 décembre.
Le succès de NeoFarm repose sur sa complémentarité : Julie apporte son expertise d’ingénieure en environnement, tandis que Mansour, spécialiste en stratégie et management d’entreprise, assure le développement de l’entreprise. Leur unité pilote à Dakar est devenue un exemple de projet conciliant efficacité économique et bénéfices environnementaux.

Julie Crémieux et Mansour Niang
Julie est le parfait exemple de la façon dont la formation de l’ISIGE Mines Paris – PSL peut transformer des idées en projets à fort impact. Cette formation, résolument orientée vers les enjeux environnementaux et les transitions durables, fournit aux étudiants des outils pour analyser, concevoir et mettre en œuvre des solutions innovantes face aux défis écologiques actuels.
Entretien avec Julie Crémieux
Quels moments de votre passage à l’ISIGE ont influencé votre décision de lancer NeoFarm ?
J’ai toujours été animée par le désir de m’investir dans des projets à fort impact social et environnemental, ce qui a motivé ma décision d’intégrer l’ISIGE. Cette expérience s’est révélée déterminante dans le lancement de NeoFarm. En observant le potentiel du secteur agroalimentaire en Afrique de l’Ouest et les nombreuses problématiques qui l’entourent, j’ai pu, grâce aux enseignements sur l’économie circulaire et la gestion des déchets, apprendre à percevoir les biodéchets comme une ressource valorisable. Par ailleurs, les projets collaboratifs avec des entreprises et les conférences d’entrepreneurs engagés m’ont inspirée à élaborer une solution concrète pour répondre aux défis environnementaux et alimentaires, en particulier au Sénégal. Enfin, l’ISIGE m’a apporté les outils, la vision et la confiance nécessaires pour transformer une idée innovante en un projet entrepreneurial porteur de sens et d’impact.
En tant que lauréate du Prix Émergence Jeune Entreprise, que représente pour vous la reconnaissance apportée par ce Prix et comment percevez-vous l’impact de cette distinction sur le développement de NeoFarm ?
La reconnaissance apportée par le Prix Émergence Jeune Entreprise représente avant tout une validation du travail accompli et de la vision que nous portons pour NeoFarm. Ce prix met en lumière l’importance des solutions innovantes comme les nôtres pour répondre aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques, en particulier en Afrique de l’Ouest, la région du monde enregistrant les plus fortes croissances démographique et économique. Il s’agit également d’un encouragement fort, qui renforce notre détermination et celle de notre équipe à poursuivre notre mission. Sur le plan du développement de NeoFarm, cette distinction agit comme un accélérateur : elle nous offre une forte visibilité, nous aide à établir des partenariats stratégiques et renforce notre crédibilité auprès de nos investisseurs, partenaires et clients. Ce prix n’est pas seulement une récompense, mais un levier essentiel dans le développement de NeoFarm.

Cérémonie de remise de Prix Entrepreneuriat Mines Paris – PSL – Transvalor le mardi 12 décembre, organisée par la Fondation Mines Paris.
Pourquoi avez-vous choisi d’implanter NeoFarm à Dakar, et quels sont les principaux défis locaux que vous rencontrez ?
Nous avons choisi d’implanter NeoFarm à Dakar en raison de son positionnement stratégique en Afrique de l’Ouest. Dakar, en tant que hub économique de la zone, offre un écosystème propice à l’innovation. Techniquement, cette implantation fait également sens, car l’environnement local, avec une température et une humidité idéale tout au long de l’année, est parfaitement adapté à la reproduction de la mouche soldat noire (BSF), un pilier central de notre activité.
Au-delà des aspects stratégiques et techniques, ce projet a une dimension personnelle pour nous. Mansour, mon co-fondateur, et moi-même sommes nés et avons grandi à Dakar avant de poursuivre nos études entre l’Europe et les États-Unis. Il nous tenait particulièrement à cœur de revenir au Sénégal pour créer un projet porteur de sens et avoir un impact positif sur notre pays.
La Mouche Soldat Noire est au cœur de votre modèle. Quelles opportunités offre cette biotechnologie pour répondre aux enjeux globaux ?
La mouche soldat noire (BSF) est une biotechnologie révolutionnaire qui offre des opportunités uniques pour répondre à plusieurs enjeux. Tout d’abord, elle constitue une solution efficace et durable pour la gestion des biodéchets. Grâce à sa capacité à transformer les déchets organiques en une biomasse riche en protéines et en lipides, elle permet de réduire les volumes de déchets tout en les valorisant.
Les larves de BSF produites peuvent être utilisées comme une alternative écologique et locale aux farines de poisson et de soja dans l’alimentation animale, contribuant ainsi à réduire la pression sur les ressources marines et les terres agricoles. Ce modèle s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, où rien ne se perd et tout est valorisé.
Un autre aspect clé est la production de frass, connu pour être un excellent engrais organique. Le frass, riche en nutriments essentiels, améliore la fertilité des sols et favorise la croissance des plantes de manière écologique, contribuant ainsi à des pratiques agricoles plus durables et à une meilleure gestion des sols.
La BSF offre une solution adaptable aux régions les plus touchées par la crise alimentaire et les enjeux environnementaux, notamment en Afrique. En produisant des protéines et de l’engrais organique localement, cette technologie aide à renforcer la résilience des systèmes alimentaires face à la croissance démographique et à la raréfaction des ressources naturelles.
La mouche soldat noire est un levier puissant pour construire des systèmes durables, réduire l’impact environnemental de la production alimentaire et promouvoir l’économie locale.

Le procédé NeoFarm
Quels sont vos objectifs pour passer à l’échelle et élargir l’impact de NeoFarm dans les années à venir ?
Pour passer à l’échelle et élargir l’impact de NeoFarm dans les années à venir, nous avons plusieurs objectifs clés. L’objectif premier est de valider notre modèle industriel en démarrant avec le traitement de 10 tonnes de déchets organiques par jour, permettant ainsi la production de 200 tonnes de larves séchées et 1000 tonnes de frass par an. Une fois cette première phase du modèle industriel validée, nous ambitionnons de tripler progressivement notre capacité de production, faisant ainsi de NeoFarm un acteur incontournable de l’industrie des protéines durables et des engrais organiques au Sénégal.
En parallèle, nous souhaitons étendre notre modèle à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Nous avons deux options pour cette expansion : soit répliquer notre modèle en créant des filiales, ou vendre notre technologie sous forme de franchises, ce qui nous permettrait de diffuser plus largement notre solution.
Nous comptons également diversifier notre modèle économique en incluant la vente des œufs de mouche soldat noire. Ce service s’adressera particulièrement aux petits éleveurs et agriculteurs générant des volumes modérés de déchets, leur offrant la possibilité de se former à la croissance et à la transformation des larves, tout en produisant des protéines pour l’alimentation animale et des engrais pour leurs cultures. Par ailleurs, ceci leur permettra d’externaliser la reproduction de la mouche, un processus techniquement complexe et coûteux à mettre en place à petite échelle. Cette approche nous permet d’externaliser la croissance des larves et la gestion des déchets, notamment pour les sources de déchets situées à plus de 30 km de notre unité industrielle. Grâce à cette stratégie, nous réduisons les coûts de transport en privilégiant l’acheminement des œufs, qui nécessitent moins d’espace et d’investissement logistique que les déchets organiques.
Ces initiatives sont essentielles pour passer à l’échelle et élargir l’impact de NeoFarm, en consolidant notre position sur le marché et en accélérant la transition vers une économie circulaire, durable et locale en Afrique de l’Ouest.
En tant que femme entrepreneur et diplômée des Mines, quel message souhaitez-vous transmettre aux étudiants intéressés par l’innovation durable ?
En tant que femme entrepreneur et diplômée des Mines, mon message aux étudiants intéressés par l’innovation durable est d’oser rêver grand, d’être audacieux dans vos projets et surtout de croire en vos capacités à faire une différence. L’innovation durable n’est pas seulement une voie professionnelle, mais aussi une mission qui permet de répondre aux enjeux mondiaux tout en ayant un impact positif sur la société. Il est essentiel d’oser sortir des sentiers battus, de s’engager pleinement et de développer des solutions innovantes face aux défis que nous rencontrons.
Ne soyez pas découragés par les obstacles, car chaque défi est une occasion d’apprendre et de grandir. Enfin, ne jamais sous-estimer l’importance d’être bien entouré : associés, mentors, partenaires etc., car les projets ambitieux nécessitent des équipes solides et passionnées. Laissez-vous inspirer par la conviction que vous pouvez contribuer à un avenir plus juste et plus durable, et même à petite échelle, car chaque pas compte.
La distinction reçue par Julie met en lumière l’importance de l’entrepreneuriat durable. Son parcours illustre la manière dont Mines Paris – PSL forme des entrepreneurs capables de relever des défis complexes tout en ayant un impact positif sur la société et l’environnement.