Henry Proudhon, lauréat du Prix David Embury 2024 : une passion au service de la science des matériaux

Le 15 mars dernier, la Commission des Prix et Médailles de la SF2M s’est réunie pour désigner les lauréats 2024, et c’est Henry Proudhon qui a été distingué par le Prix David Embury. Ce prix, reconnu dans le domaine de la métallurgie et des matériaux, est décerné aux chercheurs ayant marqué de manière significative l’enseignement et la diffusion des connaissances scientifiques dans ce domaine.
Henry Proudhon à la remise de la médaille David Embury 2024 le 18 novembre.
Henry Proudhon, enseignant-chercheur au Centre des Matériaux de Mines Paris – PSL, s’est démarqué par son approche innovante de l’enseignement, notamment à travers le module « Games of Drones », proposé dans le cadre de la formation MECAERO. Ce programme, qui a rencontré un vif succès auprès des élèves, combine mécanique des matériaux et des fluides, permet aux étudiants d’apprendre la mécanique en s’immergeant dans la conception et la réalisation de drones.
Formation MECAERO 2024 : présentation des projets étudiants
En parallèle, Henry joue un rôle actif au sein du centre des matériaux, en étant notamment l’organisateur de la semaine DMS B3, un événement interdisciplinaire dédié à l’intelligence artificielle appliquée à la science des matériaux. Son enthousiasme pour l’innovation et l’interdisciplinarité a fait de lui une figure clé de l’équipe.
« Son investissement énergique dans ces activités, ainsi que son intelligence dans la promotion de l’interdisciplinarité, sont une source d’inspiration pour nous au CMAT. Personnellement, je suis très fier de travailler sous la direction de Henry dans le cadre de ces initiatives pédagogiques innovantes. », témoigne un membre du CMAT.
Le prix sera remis à Henry Proudhon lors d’une cérémonie le 18 novembre 2024 au CNAM-Paris, à l’occasion des Journées Annuelles de la SF2M. Ce moment permettra de mettre en lumière ses contributions à la science des matériaux et son rôle clé dans l’enseignement de la mécanique des matériaux.
Mes recherches visent à relier la microstructure des matériaux, notamment leur organisation spatiale tridimensionnelle à l’échelle de la dizaine de microns, aux propriétés d’emploi des matériaux. Ce qui est passionnant dans ce domaine c’est de voir comment une recherche fondamentale peut être appliquée très vite dans les domaines industriels. On a tendance à oublier que la recherche est à la source du progrès des société modernes et que les matériaux sont absolument partout dans nos vie, ils permettent de produire notre énergie, nous transportent, nous protègent. Bref, ils sont à la base de toute l’organisation de la société et de notre confort. En ce sens, la recherche dans les matériaux est clé pour les défis qui sont devant nous, qu’il s’agisse de la décarbonation de notre société, de l’amélioration des performances des systèmes ou encore de la meilleure utilisation des ressources par le recyclage. Les méthodes d’apprentissage automatique qui s’appuient sur de grandes quantités de données ont déjà permis des avancées importantes dans nombre de domaines scientifiques. Nul doute qu’il en sera de même en mécanique des matériaux, il est donc important de s’y intéresser, que ce soit pour découvrir de nouveaux matériaux, mieux analyser leur microstructure ou accélérer nos simulations.
Visuel illustrant l’imagerie tridimensionnelle des matériaux de structure que j’utilise pour mes recherches
Cette idée m’est venue lors d’un séjour aux Etats-Unis à l’université de Californie Santa Barbara qui fut particulièrement stimulant pour moi. Nous discutions alors avec les collègues de l’école de la réforme du cours de mécanique des matériaux solides et j’ai proposé l’idée d’un grand challenge ou les élèves, répartis par équipes, testeraient des matériaux, leurs modéliseraient, concevraient leurs pièces sur une plateforme numérique où ils pourraient simuler la déformation de la structure et, chose importante, ils fabriqueraient aussi leur drone grâce à des outils de fabrication numérique et le testeraient en vol. De retour en France j’ai organisé ce grand challenge qui a connu un succès immédiat auprès des élèves de l’école. Une première difficulté a été de réunir le matériel nécessaire pour la fabrication et il faut souligner le soutient important que nous avons reçu de la direction de l’enseignement depuis plusieurs années. C’est en effet un véritable FabLab qui a vu le jour (impression 3D, découpe Laser, fraiseuse CNC) dans la salle Mécanique sous la cafétéria. La difficulté a été de réunir une équipe pédagogique pour animer ce module et suivre les équipes au fur et à mesure des séances. Près de 15 enseignants chercheurs (CMAT et CEMEF) y ont participé et continuent depuis. Le module a été constamment modernisé depuis et accueille aujourd’hui une partie de mécanique des fluides où les élèves conçoivent, testent et fabriquent leurs hélices, avec des résultats vraiment probants. La journée de restitution avec les essais de vol des drones fabriqués par les élèves est un moment particulièrement stimulant et apprécié des élèves.
La recherche en science des matériaux s’appuie très largement sur l’imagerie, qu’elle soit optique, au microscope électronique à balayage ou encore par rayons X. Dans tous ces domaines, les progrès en computer vision apportent des avancées pour des caractérisation plus rapides et plus automatiques. Par ailleurs la quête d’un matériau avec des propriétés optimales pour une application donnée s’est longtemps appuyée sur des essais-erreurs dans un espace à très grande dimension (on peut penser à la composition chimique par exemple). Or, les algorithmes de l’intelligence artificielle permettent d’explorer efficacement ces espaces à très grandes dimensions et offrent des perspectives sur la découverte de nouveaux matériaux ou sur l’amélioration des procédés de fabrication. La simulation de l’évolution en service (déformation, endommagement, rupture), qui est particulièrement coûteuse en temps de calcul, bénéficie également de ces avancées avec des méta-modèles qui vont permettre aux ingénieurs de faire évoluer les paramètres d’un système en temps réel tout en vérifiant l’intégrité de la structure. Il est important pour notre communauté de comprendre les enjeux et de maîtriser ces nouveaux outils et c’est pour cela que j’ai décidé de créer cette semaine B3 du mastère spécialisé DMS Computer Vision and Machine Learning for the material scientist qui est disponible comme cours doctoral pour la communauté (et les industriels) et qui a déjà réuni environ 200 participants.
Visuel illustrant l’approche de mécanique des matériaux 3D assistée par IA que l’on a développée dans la thèse Cifre (Safran Aircraft Engines) de Arjun Kalkur.
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