[LOW-TECH] Projet d’ingénierie UNDERSOLAR : un four solaire, ancrés dans les spécificités du territoire

Formation Recherche Décryptage
Publié le 14 mai 2024
Mines Paris – PSL forme les ingénieurs de demain à des pratiques durables, notamment à travers la conception de fours solaires à concentration, en collaboration avec les artisans verriers de la région.

À l’heure où les enjeux environnementaux et énergétiques sont au cœur des préoccupations, Mines Paris – PSL et ses travaux menés au Centre de Mise en Forme des Matériaux (CEMEF) et au Centre de Recherche O.I.E (Observation, Impacts, Énergie), s’engage activement dans la recherche de solutions durables. La démarche low-tech, prônant des technologies simples et accessibles, émerge comme une réponse écologique et sociale face à la raréfaction de plusieurs ressources (fossiles, minéraux), au changement climatique, aux risques systémiques et à la croissance des inégalités. La conception de four solaire à concentration, menée par les étudiants illustre l’application de ces principes low-tech.

Mise en place du four à concentration Lytefire utilisé par Aurinko pour de la torréfaction solaire.

La démarche Low-Tech

La low-tech émerge dans les années 1960-1970 pour tenter de répondre à la problématique suivante : quelle alternative face à l’illusion du tout high-tech pour répondre aux problèmes sociaux et écologiques ?

Contrairement à l’opinion répandue selon laquelle la haute technologie (high-tech) est la solution salvatrice, notamment en favorisant une densification de l’utilisation de l’électricité, les partisans de la low-tech préconisent au contraire l’adoption de technologies plus simples et durables.

La low-tech peut être perçue comme un mouvement : il existe des penseurs (Bihouix, Illich, ou encore Schumacher) mais aucune définition ne met tout le monde d’accord. Les étudiants ont choisi la définition donnée par Carrey et Lachaize, selon laquelle « une technologie est low-tech si elle constitue une brique technique élémentaire d’une société pérenne, équitable et conviviale ». Ici, l’idée est de former une société, ou un tout, low-tech, et non pas juste des innovations utiles à petite échelle.

Toutefois, il convient de ne pas percevoir la low-tech comme l’antithèse de la high-tech. D’ailleurs, il n’est pas forcément pertinent de catégoriser un objet comme low-tech. Il s’agit plutôt d’une démarche : si l’idée est de trouver une alternative low-tech à une solution actuelle, il s’agira d’en trouver une plus low-tech que celle-ci. On parle parfois de techno-discernement : on peut utiliser la technologie, mais uniquement si c’est le meilleur choix pour répondre à un besoin identifié.


Conception d’un cuiseur et d’un four solaire à concentration d
ans une démarche low-tech

Suite à l’observation des besoins conjugués des artisans de la Verrerie de Biot et de ceux des chercheurs du CEMEF de Mines Paris – PSL, un projet de four solaire à concentration dans une démarche low-tech est né. Ce projet d’ingénierie, mené par les étudiants en deuxième année du Cycle Ingénieur Civil, dans le cadre de l’unité d’enseignement UE31/41 UNDERSOLAR, a été dirigé par le Centre de Recherche O.I.E (Observation, Impacts, Énergie) depuis le 6 mars dernier.
Ce travail, ouvrant la porte à la décarbonation et la réappropriation des machines de travail sur certaines activités des verriers, propose des pistes de réponses concrètes aux défis contemporains sociaux, environnementaux et économiques.


« Dans le cadre de notre projet, la notion de techno-discernement est très importante. On s’est attachés à proposer une alternative de fonte de verre plus low-tech que celles utilisées actuellement (fours électriques ou à gaz), mais sans tomber dans le « système D » : on a acheté de la technologie, la lentille est un objet plutôt complexe … Pour nous la démarche low-tech est une démarche de transition entre nos technologies actuelles qui sont complexes, polluantes et non durables et celles d’un futur où l’on utiliserait des objets sobres, réparables et qui permettent la convivialité et l’équité. »
Philippe Blanc, Directeur de Recherche du Centre O.I.E


À l’issue de cette activité pédagogique, les étudiants ont organisé une journée de démonstration ouverte à tous, le 3 mai dernier, dans le parc des Bouillides proche du campus Pierre Laffitte de Mines Paris – PSL à Sophia Antipolis. Cette démonstration visait à mettre en lumière les cuiseurs solaires ainsi que le fonctionnement du four à concentration, capables de fondre du verre à une température de plus de 1000°C.


De plus, une démonstration pratique de l’utilisation du four solaire alimentaire Lytefire a été réalisée, illustrant de manière tangible une alternative crédible et durable aux énergies fossiles.

Discussions autour du four solaire torréfacteur Lytefire en démonstration par la société Aurinko.

Le projet de concentrateur solaire

Verre de table, vitre, laine de verre ou bien verre de lunettes : tous les verres sont passés par un four de plus de 1000°C afin de le fondre. Classiquement, cette étape est assurée par un four à gaz ou électrique qui maintient à haute température un bain de verre. Ce dernier a ensuite été coulé et les étapes de mise en forme ont déterminé son utilité future.

Alors, comment ces étapes ont été réalisées avec uniquement le soleil ?

La première piste de réflexion a été de concentrer l’énergie solaire en une petite tache, ce qui a permit d’atteindre les hautes températures nécessaires. Pour concentrer ces rayons, les étudiants ont utilisé une lentille de Fresnel. Cela a permit d’obtenir une puissance équivalente à celle de plus de « 3000 soleils », illuminant ainsi le creuset placé au point focal de la lentille.

Le four est en effet en deux parties : le creuset dans lequel est placé la matière première (calcin, sable blanc, soude, chaux …) et l’enceinte abritant le tout. Le creuset, constitué d’alumine et isolé par l’extérieur par des briques réfractaires, résiste à de hautes températures et peut donc abriter la fusion du verre en toute sérénité. Le rôle de l’enceinte est capital : elle isole le creuset de l’air ambiant et agit comme un corps noir qui séquestre l’énergie solaire entrante et la « re-rayonne » dans des longueurs d’onde infra-rouge

En plus de la fonte du verre, les étudiants ont construit le concentrateur de sorte qu’il puisse être aussi utilisé comme un cuiseur solaire. La possibilité de bouger le four le long de l’axe focal de la lentille a permit de modifier la surface du flux d’énergie entrant et d’éviter des densités de flux pouvant brûler les aliments.

Au bout de ces trois mois de trimestre ingénierie, les étudiants ont prototypé un four solaire à concentration ayant pour objectif de fondre des pellets, matière première de la fabrication artisanale du verre (comme pour les granulés d’un poêle à bois).

Le projet de cuiseurs solaires

Les étudiants ont également construit et testé deux sortes de cuiseurs solaires – un four de type boite et un four de type cylindro-parabolique –  et ont appris à cuisiner avec ! En effet, les cuiseurs solaires utilisent l’énergie solaire pour cuire les aliments, offrant une alternative écologique et économique aux méthodes de cuisson traditionnelles. Ils sont idéaux pour les régions avec un accès limité à l’électricité ou aux combustibles fossiles, ou pour les personnes ne souhaitant pas dépendre des énergies fossiles ni nucléaires.

 

Le fonctionnement du cuiseur solaire en boite

Ce cuiseur est une boîte thermiquement isolée, dotée de parois intérieures à haute résistance thermique pour minimiser les pertes de chaleur. Une face transparente de la boîte capte la lumière solaire tout en favorisant l’effet de serre à l’intérieur. Quatre panneaux réfléchissants sont disposés à un angle optimal de 60°. Ils concentrent l’énergie solaire, équivalant à l’intensité de trois soleils, ce qui permet d’atteindre des températures internes de 100°C à 150°C.

 

Le fonctionnement du cuiseur solaire cylindro-parabolique

Le cuiseur cylindro-parabolique est équipé d’un réflecteur parabolique qui concentre la lumière solaire sur une ligne focale, où est placé le récipient de cuisson. Cette concentration intense de la lumière solaire sur la ligne focale permet d’atteindre des températures élevées, typiquement entre 200°C et 300°C. Ces températures permettent une cuisson rapide et efficace des aliments.

 

Timothée Boisseau, Almuni (P19) a conçu et encadré avec Philippe Blanc ce trimestre ingénierie :

« Les étudiants ont bien compris l’essentiel de la lowtech : la technologie elle-même n’est qu’une partie, les usages et les contraintes d’une lowtech sont différent des fours traditionnels, le modèle de production et de commercialisation doit aussi intégrer les valeurs lowtech pour être cohérent… Bref la conception doit être systémique et aller au-delà de l’aspect physique et technique. Les étudiants ont couvert ces sujets et démontré que l’ingénierie lowtech est plus durable, plus désirable et surtout qu’elle offre de l’espoir pour l’avenir ! »

 

Bravo à tous les étudiants qui ont œuvré sur ce projet UNDERSOLAR, qui incarne parfaitement l’engagement de notre école envers l’innovation responsable. En unissant la technologie à une approche low-tech, leurs travaux ouvrent la voie à une transition énergétique plus durable.

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