Les ordinateurs quantiques, souvent présentés comme la prochaine révolution technologique, exploitent les lois de la mécanique quantique pour effectuer des calculs supposément plus efficaces que ceux réalisés par les ordinateurs classiques. Google et IBM ont par exemple dévoilé des prototypes capables de résoudre des problèmes spécifiques conçus pour démontrer la « suprématie quantique » de ces machines. Celles-ci, aussi impressionnantes soient-elles, n’ont toutefois pour l’instant que peu d’utilité pratique.
Face à cette avancée, les ordinateurs classiques n’ont pas tardé à riposter. Grâce à des algorithmes basés sur les réseaux de tenseurs, ils ont réduit l’écart de performance supposé avec les systèmes quantiques. Ainsi, la suprématie quantique apparaît moins évidente. La véritable question qui se pose est de savoir quelle technologie — ordinateurs quantiques ou réseaux de tenseurs — saura résoudre des problèmes concrets et réellement utiles. Et sur ce front, l’issue demeure incertaine.
Le seul problème où les ordinateurs quantiques semblent avoir un avantage théorique est celui de la résolution des équations de la mécanique quantique appliquées à des systèmes complexes, notamment le fameux « problème quantique à N corps ». Par coïncidence, les réseaux de tenseurs ont précisément été développés pour répondre à ce type de défi. À ce jour, ces réseaux restent les plus performants pour traiter ce problème, bien qu’ils n’en aient pas encore totalement élucidé toutes les facettes.
Dans cet article, Antoine Tilloy expose ce qu’est le problème quantique à N corps, et pourquoi il constitue un enjeu majeur pour la science. Il retrace également l’histoire des différentes tentatives pour surmonter ce défi, avant d’aborder les solutions contemporaines offertes par les ordinateurs quantiques et les réseaux de tenseurs. De plus, il examine le développement des réseaux de tenseurs, en expliquant leur fonctionnement et leur impact potentiel, faisant de ces outils un atout précieux pour les ordinateurs classiques dans la compétition technologique actuelle.
Antoine Tilloy est enseignant-chercheur spécialisé en physique théorique au Centre Automatique et Systèmes (CAS) de Mines Paris – PSL. Après un post-doctorat au Max Planck Institute en Allemagne, il revient en France pour rejoindre le CAS et intègre alors l’équipe Quantic, une collaboration formée de physiciens expérimentaux et de mathématiciens appliqués rassemblant Mines Paris – PSL, l’Inria, l’ENS – PSL, Sorbonne Université et le CNRS. L’objectif principal de cette équipe interdisciplinaire est de développer à la fois des méthodes théoriques et des dispositifs expérimentaux garantissant un traitement robuste de l’information quantique.
Ses recherches sont reconnues par l’attribution d’une bourse de 1,21 million d’euros de la part de l’European Research Council (ERC) Starting Grant 2021 pour son projet « QFT.zip », développant une méthode de réseaux de tenseurs appliquée à la théorie quantique des champs.