IA et médecine de précision : révolutionner les soins grâce à l’innovation numérique

La médecine de précision, qui vise à adapter les traitements en fonction des caractéristiques individuelles des patients, est en plein essor grâce aux avancées de l’IA. Thomas Walter et son équipe au CBIO travaillent sur des méthodes d’analyse de données massives pour prédire les comportements biologiques à un niveau inédit de précision. Ces innovations, appliquées à la biologie, aux molécules et aux génomes, ouvrent de nouvelles avenues pour la compréhension des maladies et la conception de traitements plus ciblés et efficaces.
L’un des défis majeurs de la médecine de précision réside dans l’analyse des données génétiques complexes. Certaines approches nécessitent le développement de méthodes statistiques adaptées, car le nombre de variables génétiques est bien supérieur à celui des patients, rendant l’analyse extrêmement complexe. C’est le cas par exemple pour les Genome Wide Association Studies (GWAS), une méthode visant à prédire des caractéristiques liées à un patient, telles que le risque de rechute d’un cancer ou la réponse à un traitement, en fonction des variants génétiques (SNPs). Les progrès dans ce domaine permettront de mieux comprendre les liens entre génétique et maladies, et de personnaliser les traitements en fonction du profil génétique de chaque patient.
Une autre application majeure de l’IA dans la médecine de précision réside dans la chimie et la biologie structurale. Le CBIO développe des méthodes permettant d’analyser les propriétés des protéines et des molécules pour prédire leurs interactions et concevoir de nouveaux médicaments. La chimiogénomique, en particulier, permet d’identifier les interactions entre protéines et molécules, facilitant ainsi la découverte de traitements plus efficaces et plus spécifiques pour diverses pathologies.
Thomas Walter lors du séminaire Santé Numérique.
La précocité du diagnostic des cancers est une problématique majeure, notamment pour le cancer du poumon qui est souvent diagnostiqué à un stade avancé, réduisant ainsi les chances de survie des patients. En utilisant des échantillons de frottis nasal, une méthode similaire à celle des tests COVID, et des techniques de machine learning, le CBIO a développé un modèle prédictif permettant d’identifier les personnes à haut risque de développer un cancer du poumon. Ce projet vise à faciliter un diagnostic plus rapide et plus précoce, une approche essentielle pour améliorer les taux de survie des patients.
Dans le domaine de l’anatomopathologie, où les images de coupes de tumeurs sont analysées pour obtenir des informations sur la maladie, l’IA permet de développer des modèles prédictifs encore plus sophistiqués. Le CBIO a travaillé sur des applications de cette technologie pour prédire la réponse aux traitements, le risque de rechute ou même des signatures génétiques, notamment dans la lutte contre les cancers cervicaux et du larynx. Ces avancées, qui reposent sur des images de haute résolution, offrent une meilleure compréhension de l’évolution des cancers et ouvrent la voie à des traitements plus adaptés.
En plus de ses travaux de recherche appliquée, le CBIO envisage de réconcilier des modèles mécanistiques et statistiques pour améliorer encore l’efficacité de la médecine de précision. L’analyse du parcours des patients à travers les données massives générées dans les hôpitaux est une autre voie prometteuse pour l’application de l’IA, permettant de mieux comprendre l’évolution des maladies et de prédire les réponses aux traitements.
L’équipe du CBIO est également impliquée dans des projets de pointe, comme la transcriptomique spatiale, une technologie révolutionnaire qui permet de distinguer les différences subtiles entre les patients réagissant positivement ou négativement à un traitement. Ces avancées permettent de mieux personnaliser les soins et d’optimiser les traitements pour chaque patient.
Le CBIO est impliqué dans des projets d’envergure nationale et internationale. Le laboratoire participe activement à l’initiative PRAIRIE, un institut d’excellence en IA qui favorise les collaborations à haut niveau, et à des projets tels que Cell-ID, qui vise à comprendre les trajectoires cellulaires à l’origine de pathologies, notamment les cancers pédiatriques. Le CBIO est également impliqué dans des projets de recherche multidisciplinaires au sein de l’Institut des Cancers de la Femme, visant à améliorer la prise en charge des femmes atteintes de cancers gynécologiques ou du sein.
Créé en mars 2024, l’ITN de Mines Paris – PSL se positionne comme un acteur central de la transition numérique, mobilisant les expertises de ses 18 centres de recherche. Avec des axes stratégiques comme la santé numérique, l’ingénierie numérique et les industries culturelles, l’ITN fédère les connaissances pour relever les défis économiques, sociaux et technologiques de notre époque. Porté par une approche responsable et collaborative, il vise à accélérer l’innovation et à guider les acteurs publics et privés dans cette transformation.
Le séminaire Santé Numérique a rassemblé chercheurs, industriels et décideurs autour des grands enjeux de la digitalisation des soins. Dans un monde où les avancées technologiques redéfinissent les pratiques médicales, la santé numérique s’impose comme un levier pour répondre aux défis actuels et futurs du système de soins. L’ITN explore ces transformations à travers différentes thématiques : la réinvention des infrastructures hospitalières, le développement des jumeaux numériques pour une médecine de précision et l’intégration de l’intelligence artificielle à toutes les échelles de la santé. Ces enjeux ne se limitent pas à l’innovation technologique, ils interrogent également les dimensions sociales, économiques et éthiques d’une médecine connectée et intelligente, ouvrant la voie à des soins plus personnalisés, accessibles et prédictifs.
Antoine Tilloy, enseignant-chercheur spécialisé en physique théorique dans l’équipe Quantic du Centre Automatique et Systèmes (CAS) de Mines Paris – P...