Titouan Palomino, finaliste du Prix Entrepreneuriat Mines Paris – PSL 2025 avec Quasimodo : lutter contre le gaspillage alimentaire et promouvoir une alimentation durable

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Publié le 3 décembre 2025
Finaliste du Prix Émergence Jeune Entreprise 2025, Titouan Palomino (MS EEDD ISIGE Mines Paris – PSL) porte avec Quasimodo une vision ambitieuse : réduire le gaspillage alimentaire en valorisant les fruits et légumes hors calibre et en surplus, tout en rendant l’alimentation durable accessible au plus grand nombre. Son engagement illustre l’esprit entrepreneurial de Mines Paris – PSL, où s’imaginent et se construisent les innovations responsables de demain.

Le Prix Entrepreneuriat

Un engagement fort de Mines Paris – PSL

Organisé par la Fondation Mines Paris et coordonné par Philippe Mustar, professeur d’Innovation & Entrepreneuriat, le Prix Entrepreneuriat Mines Paris – PSL – Transvalor célèbre depuis dix ans les initiatives entrepreneuriales qui incarnent les valeurs de l’École : audace, innovation et impact. Chaque année, deux distinctions sont remises :

  • Le Prix Émergence Jeune Entreprise, pour un projet récemment créé ;
  • Le Prix d’Honneur, récompensant un parcours entrepreneurial accompli.

L’édition 2025 a mis en lumière des projets engagés au service de la transition écologique, technologique et sociétale. Parmi les finalistes du Prix Émergence figure Titouan Palomino, diplômé du Mastère Spécialisé Expert en Environnement et Développement Durable parcours Ingénierie et Gestion de l’Environnement (EEDD) de l’Institut Supérieur d’Ingénierie et de Gestion de l’Environnement (ISIGE), co-fondateur de Quasimodo, une jeune entreprise francilienne qui transforme le gaspillage alimentaire en opportunité durable.

 

Quasimodo

Transformer les excédents agricoles en paniers durables

Née du rêve de trois amis, Samuel, Titouan et Julien, lors du concours international Hult Prize en 2020, Quasimodo prend son essor en 2024 et s’impose aujourd’hui comme un acteur prometteur de la lutte contre le gaspillage alimentaire en Île-de-France.

Le concept est simple et puissant :

  • racheter directement aux producteurs bio les fruits et légumes déclassés ou excédentaires,
  • les préparer en paniers hebdomadaires livrés à domicile ou en points relais,
  • soutenir l’inclusion sociale via un partenariat avec un ESAT qui contribue à la préparation des paniers.

De gauche à droite : Samuel Bigeard, Titouan Palomino et Julien Machuron

 

Avec plus de 270 clients, 50 commerces partenaires, 30 producteurs bio franciliens et une croissance soutenue, Quasimodo s’inscrit dans la dynamique d’un marché de l’anti-gaspi estimé à 520 M€ en France.

Grâce à son expertise en environnement acquise à Mines Paris – PSL et à son engagement pour une transition alimentaire durable, Titouan joue un rôle essentiel dans la structuration du modèle à impact de l’entreprise. Retour sur son parcours entrepreneurial.

 

  • Titouan, quel rôle votre passage à Mines Paris – PSL, et en particulier le Master Spécialisé EEDD, a-t-il joué dans votre envie de vous lancer dans un projet entrepreneurial à impact ?

Cette formation m’a donné la confiance dont j’avais besoin pour lancer Quasimodo. Je voulais inventer une offre de paniers de fruits et légumes différente des autres, qui réponde frontalement aux enjeux environnementaux du secteur. Maintenant que je sais repérer les leviers d’action et que je suis capable de calculer les impacts associés, je me sens légitime pour prendre des décisions.

J’ai également eu la chance d’être porté par toute une promotion, par mes camarades de classe, les encadrants de mon MS… Il y a une énergie incroyable qui y circule, tout le monde est très engagé, dynamique, ça donne envie de se bouger pour trouver des solutions !

  • Selon vous, quel rôle les ingénieurs peuvent-ils jouer dans la transition écologique, et en quoi votre expérience entrepreneuriale vous a-t-elle éclairé sur ce sujet ?

Selon moi, les ingénieurs ont une place centrale pour soutenir le changement de modèle qui doit arriver. Ce sont des personnes qui ont appris à mesurer scientifiquement chaque action avant de la mettre en place. Elles connaissent les ordres de grandeur qui permettent de privilégier des solutions plutôt que d’autres. Elles doivent avoir un rôle de garde-fou. Les ingénieurs sont du côté de la science, et la science est univoque concernant le dépassement des limites planétaires et la nécessité d’agir vite. Mais ce rôle leur confère aussi une responsabilité importante. Ils peuvent choisir au service de qui ils exercent leur pouvoir, et je me sens proche de celles et ceux qui gardent cela en tête.

Je pense aussi que les ingénieurs ont beaucoup à nous apporter dans la création de nouveaux récits. J’ai grandi dans la croyance que le rôle de l’ingénieur était souvent d’appliquer les tâches, mais je me suis vite aperçu que c’était faux. J’ai autour de moi plein d’ingénieurs qui au contraire encouragent à réfléchir différemment, à produire plus sobrement, à inventer d’autres modèles.

Avec Quasimodo, je comprends bien l’importance de mesurer ses décisions, d’évaluer son écosystème pour trouver les leviers d’action pertinents. Si on veut être droit dans ses bottes, il faut passer par ce questionnement profond. Et puis ça permet de façonner une image d’entreprise solide, car son engagement est dans son ADN. Ça ne se triche pas.

  • Comment est née l’aventure Quasimodo, depuis le Hult Prize jusqu’au lancement de l’entreprise en 2024 ?

On a eu l’idée de Quasimodo en 2020 avec mes amis et cofondateurs Julien Machuron et Samuel Bigeard. C’est à cette époque que sortait un rapport de l’ADEME prouvant que près d’un million de tonnes de fruits et légumes étaient gaspillés chaque année en France directement chez les agriculteurs. On a trouvé ça absurde et on a cherché si on pouvait se rendre utiles.

En travaillant sur le sujet, on a exploré tous les problèmes liés au secteur agricole en France : le gaspillage mais aussi l’utilisation excessive de pesticides, les transports trop longs et carbonés, les emballages à usage unique, l’injuste rémunération des agriculteurs… C’est d’un constat global qu’est née l’idée de Quasimodo, avec la vocation de proposer l’offre de paniers la plus juste possible !

Entre 2020 et 2024, le projet est resté à l’état de rêve qu’on n’osait pas vraiment réaliser. On a eu le temps de finir nos études, d’avoir des premières expériences professionnelles, de nous confronter au monde du travail pour finalement trouver la force suffisante de lancer notre entreprise. Alors en novembre 2024, il y a un an, on a créé l’entreprise ESS (entreprise de l’économie sociale et solidaire) Quasimodo. Et en quelques mois nous avons eu un soutien génial de la part de nos clients, de nos partenaires agriculteurs… On a pu faire passer Quasimodo du rêve à la réalité sans trahir aucune de nos convictions.

 

  • En quoi le modèle de Quasimodo innove-t-il dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, et comment mesurez-vous aujourd’hui son impact environnemental et social ?

On ne connaît pas d’autres entreprises de paniers de fruits et légumes qui cochent, comme nous, toutes les cases d’une alimentation juste. Avec Quasimodo, on a créé une offre 100% bio et ultra-locale – on ne s’approvisionne qu’en Île de France. Chaque semaine, on est en relation avec nos partenaires pour sauver autant de fruits et légumes que possible. On fonctionne en circuit-court et on est transparents sur nos marges. Et on livre ça en vélo-cargo dans des sacs consignés ! La véritable innovation, c’est cette promesse d’une offre responsable et équitable. On essaye d’embarquer le plus de monde possible dans cette démarche.

Et justement, on a un projet de mesure d’impact environnemental et social qui est prévu pour le début d’année 2026. On est suivis par la BPI pour développer cette innovation. On va proposer un outil adaptable pour chacun des clients Quasimodo. Tout le monde pourra connaître le bilan environnemental et social derrière son panier. Les impacts sur le revenu des agriculteurs et des travailleurs d’ESAT qui nous aident à remplir les paniers, les impacts pour chaque produit sur le dérèglement climatique, sur la biodiversité… On a pensé ça comme un outil pédagogique, compréhensible par tout le monde, mais très technique dans son approche. On a hâte de le dévoiler !

 

  • Quelles sont vos ambitions pour Quasimodo d’ici trois ans, notamment en matière de scaling, de diversification et d’impact ?

On a envie de construire une entreprise stable et pérenne sans trahir nos engagements, donc on fait tout pour croître à la bonne vitesse. Aujourd’hui, nous avons 270 clients abonnés et nous faisons environ 170 paniers toutes les semaines. En fin d’année 2026, on serait très heureux de faire 500 paniers par semaine pour atteindre les 1000 paniers dans l’année 2027. La vente de fruits et légumes ne génère que très peu de marge, donc il faut que l’on atteigne ce chiffre pour que Quasimodo survive.

Et on travaille en parallèle sur des projets pour diversifier notre modèle. Nous allons par exemple lancer une offre de produits transformés (soupes, compotes et tartinades) pour sauver encore plus de fruits et légumes du gaspillage. Toujours en bio, en local et en circuit-court. Un crowdfunding est aujourd’hui en ligne pour nous aider à déployer cela, donc n’hésitez pas à nous soutenir !

Et puis comme je le disais, on veut aller toujours plus loin dans notre impact, alors chaque action qu’on mettra en place sera mesurée et expliquée publiquement.

  • Quel message souhaitez-vous transmettre aux élèves et jeunes diplômés de Mines Paris – PSL qui envisagent de créer une entreprise, en particulier dans le domaine des transitions écologiques et alimentaires ?

Les premiers de mes conseils, c’est de bien s’entourer. J’ai la chance de vivre cette aventure aux côtés de deux amis à qui je peux tout dire, et c’est déterminant dans notre dynamique. C’est ce qui nous permet de tout affronter sans jamais baisser les bras.

Je dirais aussi de choisir un projet auquel on croit très fort, car c’est ce qui peut me permettre de rester combatif même quand l’énergie est au plus bas.

Et puis surtout, ne pas avoir peur d’échouer. On a fait des tas d’erreurs avant d’en arriver là où on en est aujourd’hui, mais ces erreurs étaient nécessaires. On a compris beaucoup de choses grâce à elles, et on a évolué. Récemment j’ai lu une interview d’Ugo Bienvenu, le réalisateur du film Arco (un film magnifique !) dans laquelle il explique que s’il avait su tous les problèmes qu’il allait rencontrer, il ne se serait pas lancé dans l’aventure. Je me suis reconnu dans ses mots. Ici je parle surtout aux personnes très prudentes. C’est trop dur de tout anticiper, mentalement c’est épuisant et à mon avis contre-productif. Il faut oser !


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