Prix TTI.5 de la controverse environnementale : une pédagogie active pour comprendre les enjeux de la transition

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Publié le 30 juin 2025
Dans un contexte où la transition écologique s’impose comme un défi majeur, il est essentiel de former les ingénieurs de demain à comprendre la complexité des enjeux environnementaux. À l’occasion du Forum de The Transition Institute 1.5 (TTI.5), organisé le 3 juin 2025 sur le campus parisien de Mines Paris – PSL, et dont le thème était « S’inspirer de la Nature : quelles perspectives pour la transition ? », le Prix TTI.5 de la controverse environnementale a récompensé la meilleure analyse réalisée par les élèves ingénieurs autour d’enjeux majeurs du développement durable.
Ce prix, organisé dans le cadre du cours « Description de controverses » dont est responsable Madeleine Akrich, chercheuse au Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI) de Mines Paris – PSL, a été remis par Matthieu Mazière, directeur des études chargé du cycle Ingénieur Civil. Apprendre à imaginer la transition, c’est accepter la pluralité des points de vue, explorer les controverses et développer un esprit critique éclairé. Ce prix s’inscrit pleinement dans cette démarche pédagogique en valorisant non seulement la qualité scientifique, mais aussi la capacité à susciter le débat et la réflexion critique.

 

Un forum pour comprendre les enjeux d’une transition inspirée de la Nature

S’inspirer de la nature pour relever les défis environnementaux est devenu un des grands leitmotivs des politiques publiques, de la recherche et des innovations technologiques. Le concept des Solutions Fondées sur la Nature (SFN) est aujourd’hui au cœur des réflexions sur la biodiversité, le climat, l’agriculture et la gestion des territoires. Pourtant, cette approche ouvre aussi la voie à de nombreuses controverses qui dépassent le cadre scientifique pour toucher aux dimensions éthiques, sociales et politiques.

C’est dans ce contexte que s’est tenu le Forum TTI.5, une journée d’échanges où chercheurs, acteurs institutionnels, artistes et élèves ont confronté leurs visions, afin de décrypter la complexité des défis environnementaux actuels. La remise du Prix de la controverse environnementale encourage ainsi les jeunes ingénieurs à mener des analyses critiques autour de thématiques sensibles. Ce prix encourage ainsi une pédagogie active, qui prépare les élèves à relever les défis environnementaux en intégrant les dimensions sociales, économiques et écologiques, pour construire des solutions innovantes et durables.

© Frédérique Toulet

 

Un regard pédagogique sur les controverses, entre science et société

Madeleine Akrich, chercheuse au Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI) de Mines Paris – PSL et responsable du cours « Description de controverses », rappelle la valeur pédagogique de cet exercice :

Ce cours a beaucoup évolué, mais il est resté fidèle à sa vocation initiale : appréhender les implications politiques, économiques, sociales des décisions en apparence les plus techniques. Un des objectifs pédagogiques essentiels est de faire comprendre aux élèves que l’expertise ne vient pas seulement des ingénieurs, mais aussi des acteurs locaux, des citoyens, des associations. Ces différentes connaissances enrichissent la discussion et permettent d’envisager les problèmes et les solutions de manière plus large. Un antidote en quelque sorte au technosolutionnisme et une invitation au renforcement de la démocratie.

De fait, le Prix de la controverse récompense les projets d’élèves qui analysent avec rigueur et nuance des débats environnementaux souvent complexes et polarisés. Cette année, trois projets ont été présentés :

 

L’agrivoltaïsme : conjuguer énergie solaire et production agricole ?

L’agrivoltaïsme est une technologie hybride qui associe cultures agricoles et panneaux photovoltaïques sur une même parcelle. Présenté comme un outil d’avenir par la loi APER, ce modèle séduit par sa promesse de combiner production d’énergie renouvelable et résilience des systèmes agricoles face au changement climatique. En pratique, il s’agit de dispositifs adaptables, permettant potentiellement de protéger les cultures du soleil, de la grêle ou du gel.

Mais cette solution est loin de faire l’unanimité. Sur le terrain, les résultats varient fortement selon les types de cultures, les modalités d’installation et les contextes locaux. Pour certains, ces dispositifs améliorent les rendements en limitant les effets du réchauffement climatique ou apportent un revenu complémentaire aux agriculteurs. Pour d’autres, ils entraînent une artificialisation des sols, une perte d’autonomie pour les exploitants, voire des effets négatifs sur la biodiversité. Les élèves ont ainsi questionné la durabilité de ces projets et les risques de dérives industrielles, en interrogeant les arbitrages : doit-on privilégier des installations sur friches ou sur terres agricoles fertiles ? Faut-il adapter la législation pour encadrer plus finement ces projets ?

© Frédérique Toulet

 

Cohabiter avec les rats : reflet de notre rapport au vivant en ville

La cohabitation avec les rats en milieu urbain, un sujet insolite en apparence, est cependant particulièrement révélateur des tensions entre hygiène, urbanité, écologie et culture. Les élèves se sont penchés sur le cas de Paris, où la présence visible des rats dans l’espace public, notamment en amont des Jeux Olympiques, a relancé les débats sur leur gestion.

Historiquement, les rats ont été tantôt tolérés, tantôt redoutés. Longtemps considérés comme vecteurs de maladies, ils sont aujourd’hui au cœur d’une controverse mêlant enjeux sanitaires, symboliques et politiques. Leur rôle écologique — notamment dans la régulation des déchets en sous-sol — est peu mis en avant, alors que leur visibilité alimente des discours anxiogènes. Ce projet interroge notre capacité à coexister avec des espèces jugées « indésirables », et plus largement notre conception du vivant en ville.

© Frédérique Toulet

 

Le recyclage du plastique : solution ou illusion ?

Le troisième projet, et gagnant du prix, explorait les promesses et limites du recyclage du plastique. Présenté sous la forme d’une mise en scène de débats médiatiques ou d’experts, les élèves ont su interroger la capacité du recyclage en tant que levier clé de la transition écologique. S’il fait l’objet d’un consensus apparent, tant chez les industriels que dans les discours publics, une analyse plus fine révèle pourtant des tensions multiples.

D’un côté, les plastiques recyclés restent peu compétitifs face à la matière vierge, et les taux de recyclage effectifs sont encore faibles à l’échelle mondiale. De l’autre, les normes de tri, les limites technologiques et les failles logistiques freinent une circularité réelle. Certaines critiques vont jusqu’à évoquer une illusion de durabilité, qui détournerait l’attention d’enjeux plus structurels : réduction de la production, interdiction des plastiques à usage unique, développement de matériaux alternatifs. Le projet montre ainsi, de façon pédagogique, théâtrale et humoristique, comment une solution technique, bien que séduisante, peut aussi contribuer à perpétuer un modèle de consommation problématique si elle n’est pas intégrée dans une vision systémique.

© Frédérique Toulet

 

Penser la transition dans sa complexité

À travers ces projets, les élèves ont mis en lumière des dimensions souvent négligées : les rapports de pouvoir, les conflits d’intérêts, la pluralité des expertises, mais aussi les imaginaires collectifs qui façonnent nos choix environnementaux. Le Prix de la controverse environnementale, en récompensant ces analyses, incite à penser la transition non pas comme un simple défi technique, mais comme un enjeu de société.

 

Cette matière, c’est un véritable apprentissage de la nuance. Le site qui l’accompagne regorge d’informations, c’est une ressource unique dans le paysage de l’enseignement. »

Matthieu Mazière, directeur des études chargé du cycle Ingénieur Civil

 

En donnant à voir la richesse des controverses, ce prix valorise une pédagogie active, fondée sur l’enquête, la confrontation d’arguments et l’examen critique. Un bel exemple de l’engagement des futurs ingénieurs de Mines Paris – PSL pour des solutions réellement éclairées.


Pour aller plus loin

 

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