Le vivant comme solution, la donnée comme levier : vers des décisions éclairées pour l’adaptation climatique

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Publié le 1 juillet 2025
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Dans un monde secoué par les dérèglements climatiques, comment intégrer la complexité du vivant dans les stratégies de transformation ? À Mines Paris – PSL, The Transition Institute 1.5 (TTI.5) place cette interrogation au cœur de ses travaux. L’approche portée par l’institut s’inscrit dans une logique systémique, mêlant rigueur scientifique, ancrage territorial et décloisonnement disciplinaire. Parmi ses axes phares, « La planète vivante » explore les relations entre climat, biodiversité et fonctionnement des écosystèmes.

Sols, forêts, cultures, biodiversité microbienne ou végétale : autant d’objets d’étude pour repenser les liens entre sociétés humaines et milieux naturels. À l’occasion du workshop annuel de TTI.5, organisé le 4 juin 2025, ces enjeux ont été mis en lumière à travers plusieurs projets emblématiques. Focus sur les travaux d’Emmanuel Garbolino (ISIGE Mines Paris – PSL), qui propose une méthode prospective innovante pour concevoir des Solutions fondées sur la Nature (SfN) robustes, ancrées dans la réalité du changement climatique.

Solutions fondées sur la Nature : une réponse écologique aux défis du siècle

Végétalisation urbaine, restauration d’écosystèmes dégradés, protection d’espaces naturels : les SfN désignent des actions concrètes qui s’appuient sur le fonctionnement des écosystèmes pour répondre à des enjeux sociétaux comme l’adaptation au climat, la prévention des risques naturels ou la régénération des sols. Leur force : combiner bénéfices environnementaux, sociaux et économiques.

Trois grands leviers structurent cette approche :

  • Préserver les milieux naturels en bon état,

  • Gérer durablement les espaces exploités,

  • Restaurer les écosystèmes altérés.

En valorisant les dynamiques du vivant, ces stratégies visent à accroître la résilience des territoires tout en renforçant la biodiversité.

Un capital naturel sous pression

Les services rendus par la nature – purification de l’eau, stockage du carbone, protection contre les crues, pollinisation, régulation thermique – sont essentiels à nos sociétés. Pourtant, ces services sont aujourd’hui menacés par :

  • une érosion rapide de la biodiversité,

  • des perturbations climatiques croissantes, qui bouleversent les équilibres écologiques.

Les espèces doivent désormais s’adapter à des conditions changeantes (sécheresse, canicules, précipitations imprévisibles). Une espèce végétale choisie pour une fonction écologique donnée aujourd’hui pourrait ne plus survivre dans dix ans. D’où l’enjeu : anticiper, adapter, sécuriser.

Modélisation écologique : des données pour construire la résilience

Face à cette incertitude, Emmanuel Garbolino propose une méthode prospective fondée sur l’analyse de la niche écologique des espèces. En combinant données de terrain et modèles statistiques, il devient possible de prédire les conditions optimales de développement d’une espèce — aujourd’hui, mais aussi dans un futur soumis à différents scénarios climatiques.

Ce travail permet :

  • de sélectionner des espèces adaptées aux conditions locales présentes et futures,

  • de mieux prévoir les déplacements ou déclins d’espèces sensibles,

  • de renforcer la cohérence écologique des projets de restauration ou d’aménagement.

Étude de cas à Nice : tester l’adaptation des espèces au climat de demain

Un exemple concret de cette approche a été mené à Nice, en partenariat avec ASES et la Fondation Life Terra. En 2022, des végétaux issus de zones plus sèches, notamment d’Espagne, ont été implantés dans un parc urbain. L’objectif : évaluer leur capacité à résister à la sécheresse future, tout en assurant les fonctions écologiques attendues.

Résultat : un taux de survie supérieur à 80 % sur les 4000 plants testés, validant l’intérêt de cette stratégie fondée sur la modélisation.

Du terrain à la recherche : une collaboration interdisciplinaire

Cette approche prospective s’illustre pleinement dans le projet européen GE.CO, dédié à la reconversion écologique de carrières en France et en Italie. Les modèles de niche y servent à guider les choix d’espèces et les pratiques de gestion.

Mais c’est surtout dans le cadre d’une thèse portée par Hanna Soto Vargas (financée par TTI.5) que cette méthode prend tout son sens : il s’agit ici de renforcer la résilience des berges face aux aléas hydrologiques à venir, en mobilisant une sélection fine d’espèces végétales adaptées.

Cette recherche s’appuie sur un collectif pluridisciplinaire :

  • Emmanuel Garbolino (prospective & data),

  • André Evette (INRAE, génie végétal),

  • Sophie Guillon (géosciences, Mines Paris – PSL),

  • Pierre Fleckinger (économie environnementale, CERNA).

Une science utile, au service des territoires

Les outils développés permettent un « downscaling » précis des données écologiques, à l’échelle de la commune, du bassin-versant ou de la parcelle. Cette granularité est essentielle pour appuyer des décisions locales et éviter des choix inadaptés, coûteux ou inefficaces.

C’est là toute l’ambition de TTI.5 : produire une recherche rigoureuse, transversale et applicable, pour accompagner une transition écologique réaliste et durable.

Conclusion

Les Solutions fondées sur la Nature ne sont ni des recettes miracles ni des solutions standardisées. Elles demandent une compréhension fine des systèmes vivants, une anticipation rigoureuse des évolutions climatiques, et des outils scientifiques adaptés aux réalités de terrain. Les travaux d’Emmanuel Garbolino en offrent une démonstration puissante : ils placent la donnée au service du vivant, et le vivant au cœur de l’action publique.

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