Le Monde : un vrai drame instrumentalisé dans un faux procès
Un article à charge, paru dans Le Monde daté du 24-25 novembre, porte gravement atteinte à l'image de l'Ecole en suggérant d'une part que le suicide de Jocelyn Mafféis (décédé le 24 septembre suite à sa chute le 18 septembre) serait lié à l'existence d'un bizutage des élèves entrants qui les obligerait à consommer de l'alcool en quantité, et d'autre part que l'Ecole serait restée indifférente au drame.
Romain Soubeyran, Directeur de MINES ParisTech.
Sans entrer dans la polémique sur toutes les insinuations contenues dans cet article, je tiens à souligner plusieurs points tant sur un plan général, que dans le contexte du suicide de Jocelyn Mafféis.
Sur un plan général :
Des élèves organisent ou participent à des soirées à la MdM (Maison des Mines et des Ponts), résidence privée indépendante de l’Ecole. Ces soirées se déroulent également souvent dans des lieux publics (restaurants, boites de nuit…). La consommation d’alcool, même excessive, n’est pas interdite aux adultes en France. La direction ne peut que déplorer profondément la progression de l’alcoolisation chez les jeunes, même les plus brillants.
Une proportion significative de nos élèves n’apprécie pas les soirées alcoolisées, voire ne boit pas une goutte d’alcool. Cela ne nuit en rien à leur intégration qui ne comporte aucune activité ou pratique obligatoire ; il n’existe pas de partition au sein des promotions entre ceux qui s’alcoolisent et ceux qui privilégient la sobriété, pas plus qu’il n’existe de bizutage obligeant à des actions sous quelque contrainte que ce soit.
La soirée de pré-rentrée mise en exergue par Le Monde ne peut pas être l’occasion d’un bizutage : moins de vingt élèves de deuxième année seulement y accompagnent la centaine d’élèves de première année. Les rentrées des élèves de deuxième et troisième année sont en effet décalées.
Le WEI (week-end d’intégration) est organisé par le BDE (bureau des élèves) sous le contrôle permanent de trois cadres de la direction des Etudes. Toute tentative de pousser un élève à une action contre son gré serait très rapidement identifiée et sanctionnée.
Dans le contexte du suicide de Jocelyn Mafféis :
La décision de maintenir le WEI a été prise par le BDE qui l’organisait. La direction a soutenu cette décision pour deux raisons. D’une part, il paraissait inadéquat de laisser des élèves confrontés à un évènement traumatisant, pendant plusieurs jours, dans les lieux même de cet évènement. Cela n’aurait pu qu’aggraver le traumatisme, voire même risquer de susciter des émules. D’autre part, le WEI est précisément destiné à favoriser une connaissance réciproque des élèves, et à aider la direction à identifier les personnalités nécessitant un suivi plus spécifique.
Contrairement à ce qu’indique l’article, l’expérience des professionnels montre que le décès d’un élève constitue un choc profond et durable pour toute sa promotion. Aussi une cellule de soutien psychologique a-t-elle été mise en place dès le 19 septembre pour aider les élèves en WEI, à l’Ecole et à la MdM à surmonter le choc causé par ce drame.
Si l’Ecole n’a été représentée aux obsèques que par une dizaine d’élèves, le directeur des études, le directeur de l’enseignement et le directeur de l’Ecole, c’est parce que la famille avait demandé cette présence limitée compte tenu de la taille de la chapelle où se déroulait la cérémonie.
J’ai adressé une longue lettre manuscrite de condoléances aux parents. Ceux-ci ne m’ont ni répondu, ni contacté. Cela n’avait rien de surprenant dans un contexte où ils demandaient à l’Ecole la discrétion sur un drame considéré par eux comme personnel, dans lequel l’Ecole n’était donc pas en cause. Ils étaient et restent les bienvenus s’ils souhaitent me rencontrer.
Début novembre, Le Monde a contacté plusieurs élèves en leur demandant de témoigner sous couvert d’anonymat. Confrontés à des demandes réitérées sur un évènement traumatisant pour eux, ces élèves ont informé la direction de cette mise en cause de l’Ecole. C’est ainsi que nous l’avons découverte.
Si le souci des parents de Jocelyn Mafféis de tout faire pour tenter de comprendre l’acte de leur enfant est pleinement légitime, il est regrettable que ce drame soit instrumentalisé pour tenter, par des insinuations et par des amalgames, de jeter le discrédit sur l’ensemble de la communauté qui compose l’Ecole des mines dans un procès instruit d’avance. En ce qui nous concerne, nos pensées continuent à accompagner la famille.
Plus largement, ce drame interroge sur le mal-être croissant de notre jeunesse que traduit la progression de l’alcoolisation et des tendances suicidaires, et sur les causes, toujours multifactorielles, qui poussent certains à un tel acte. Il y a certainement là matière à une vraie enquête au service d’une information de fond.